Stan Pura
Quand il était en deuxième année du secondaire, Stan Pura a fait sa première récolte — six acres de betteraves à sucre — dans le cadre d’un projet 4-H. Stan avait de qui tenir : son grand-père, un immigrant suisse, était producteur laitier, et son père était producteur de cultures en rangs à Greenfield, en Californie.
En 1978, à l’âge de 22 ans, Stan est devenu producteur de laitue iceberg conventionnelle. Pendant près de 20 ans, il a fait de l’agriculture conventionnelle « tout en observant du coin de l’œil des pionniers de l’agriculture durable ». Ce mode de production s’est mis à l’intéresser.
Pendant ce temps, Drew et Myra Goodman, les fondateurs d’Earthbound Farm, pratiquaient l’agriculture biologique sur une superficie de 40 acres dans la vallée de la Carmel, en Californie. Malgré la petite taille de leur ferme et leurs méthodes nettement moins sophistiquées que celles des grands exploitants, ils avaient une grande passion pour la culture biologique et un sens aigu de la commercialisation.
D’abord amis et partenaires de tennis, Stan et les Goodman sont rapidement devenus des partenaires commerciaux. « La première fois que Stan est venu nous rendre visite à la ferme, se souvient Myra, il n’arrivait pas à croire notre façon de cultiver. »
« Stan a examiné nos méthodes — qui étaient incroyablement amateurs et peu soignées comparativement à sa gestion extrêmement diligente et méticuleuse — et il n’a fait aucun commentaire désobligeant, se souvient Drew. Ses remarques étaient celles d’un parfait gentleman. Myra ajoute : Même s’il avait des préoccupations, cela ne l’a pas empêché de travailler avec nous. »
Malgré les différences dans leurs méthodes agricoles, leur partenariat a pris son envol. Earthbound a reçu ce dont elle avait le plus besoin pour grandir : plus de terres, plus de ressources et, surtout, des agriculteurs dévoués qui pouvaient l’aider à développer avec intégrité une approche biologique de la culture.
L’une des plus grandes contributions de Stan à l’agriculture a été l’invention de la récolteuse de jeunes pousses, machine qui a complètement changé à jamais l’échelle de la production des jeunes pousses.
Il y a 17 ans, Stan a fait un voyage en Europe avec sa femme pour assister à un salon d’équipement agricole. Les méthodes agricoles européennes étaient plus mécanisées que celles des États-Unis à l’époque, mais les machines étaient construites pour de plus petites exploitations et pour une utilisation saisonnière. Après avoir visité plusieurs fermes, Stan est rentré au pays avec des idées plein la tête. Il a travaillé avec un atelier de fabrication local pour créer une machine capable d’être utilisée pendant toute l’année et de récolter des milliers d’acres de produits. En moins de 12 mois, le premier prototype était prêt à tester.
La récolteuse a changé la donne. Elle a contribué à une réduction spectaculaire du prix des jeunes pousses, comme le mélange printanier et les jeunes épinards, car elle permettait de récolter plus de légumes plus rapidement. Ce qui auparavant exigeait le travail de 50 personnes qui récoltaient à la main ne demandait dorénavant qu’une équipe de 8 à 10 personnes, dont la tâche était plus légère. Les délicieux légumes biologiques sont devenus plus accessibles dans tout le pays, et le mélange printanier a gagné en popularité. Aujourd’hui, l’entreprise compte 18 récolteuses qui cueillent plus de 450 000 kg de pousses par jour.
Stan pratique toujours l’agriculture conventionnelle, en plus de l’agriculture biologique. Voici ce qu’il a répondu lorsqu’on l’a interrogé sur les différences entre les deux méthodes :
« En agriculture conventionnelle, quand on a un problème avec une culture, on peut réagir en appliquant toutes sortes de produits. L’agriculture biologique comporte beaucoup plus de défis, sans vouloir manquer de respect à qui que ce soit.
« L’agriculture biologique est un art quasi instinctif qui repose beaucoup plus sur la santé des sols. Il faut déterminer à l’avance où on va planter une certaine culture et à quelle période de l’année. On doit compter largement sur des variétés qui ont une certaine résistance et considérer les cultures dans un programme global. Il faut être beaucoup plus proactif quand il s’agit de la variété des semences et de la fertilité des sols. On ne peut pas cultiver dans n’importe quel type de sols. De plus, l’agriculteur doit être très connaissant. »
Stan a remarqué une grande différence dans la santé des sols des exploitations d’Earthbound Farm qui font l’objet d’une agriculture biologique depuis plus de 25 ans. Le rendement de certaines exploitations était « quelque peu marginal » au début, mais aujourd’hui, il est bien meilleur parce que nous avons amélioré la santé des sols pendant deux décennies et demie. Même si on peut obtenir la certification biologique d’un sol après trois ans de culture biologique, il faut environ sept ans pour l’améliorer réellement.
Non seulement Stan est toujours agriculteur, mais la tradition familiale se poursuit. Sa conjointe élève des bovins biologiques nourris à l’herbe, et ses cinq filles travaillent dans le secteur agricole, dont deux chez Taylor Farms. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il aimerait dire aux gens qui ne travaillent pas dans ce domaine, Stan a répondu : « Nous avions une petite ferme familiale, et il se trouve que nos activités faisaient partie d’une catégorie qui s’est développée. Nous sommes passés de 6 à 20 000 acres, mais nous n’avons pas changé », a-t-il affirmé avec une fierté et une émotion évidentes dans la voix. « Notre façon de faire les choses n’a pas changé. Malgré tout, l’agriculture à grande échelle semble avoir une connotation négative dans l’esprit de certaines personnes, et je trouve que ce n’est pas juste. »
« Je pense que j’aimerais leur faire comprendre que c’est une profession honorable et que nous sommes des protecteurs des écosystèmes et des environnementalistes. Nous avons une approche instinctive à l’égard de ce que nous faisons, et il n’y a rien d’industriel là-dedans. »
Fier de l’héritage d’Earthbound Farm, Stan se réjouit de la croissance de la production et de la consommation de produits biologiques. Il affirme toutefois que son moment déterminant est encore à venir. À son avis, il y a encore du travail à faire pour que l’on trouve plus de produits biologiques sur les tables, dans les cuisines et dans les fermes.